Abbaye de St-Maurice: la gestion des abus a été défaillante

Un rapport dirigé par l'Université de Fribourg a confirmé des "dysfonctionnements importants". La communauté de l'Abbaye s'excuse.

Un rapport dirigé par l'Université de Fribourg a confirmé des "dysfonctionnements importants". La communauté de l'Abbaye s'excuse.

Un groupe de travail indépendant dirigé par le procureur général neuchâtelois Pierre Aubert a présenté vendredi à l'Université de Fribourg son rapport sur les abus sexuels à l'Abbaye de Saint-Maurice (VS). Se basant sur les archives et des témoignages, il a listé "un nombre non négligeable" d'actes de violence sexuelle commis durant la période 1950-2022.

L'enquête dénombre 30 personnes impliquées: deschanoines et autres personnes liées à l'Abbaye, avec 68 victimes au minimum, dont 57 mineures.

Les abus rapportés sont en majorité des sous-entendus sexuels, attouchements, actes d'exhibitionnisme, séduction dans un rapport d'autorité. Dans les cas les plus graves, des agressions sexuelles, des viols et des avortements forcés. Ces violences se sont principalement produites à l'internat ainsi que lors d'activités pastorales ou colonies de vacances.

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Confrontée à ces violences, l'Abbaye a longtemps adopté "une posture défensive" pour préserver sa réputation. Ses responsables ont tenté de "camoufler" les faits (par exemple en déplaçant des chanoines incriminés) et essayé de "banaliser" ou "minimiser" ces abus. 

Défaillances organisationnelles

Le rapport souligne encore le "laxisme" en matière de surveillance et "un encadrement et un appui insuffisants" des membres de la communauté. Ce climat a pu favoriser "des comportements inadmissibles" et la récidive de certains chanoines, pourtant mis en cause à plusieurs reprises. De plus, le culte du silence est bien souvent la règle au sein de ces institutions religieuses, comme l'explique la chercheuse de l'UNIFR Stéphanie Roulin:

Limites de l'enquête

Ce décompte ne permet toutefois pas de tirer des conclusions sur la réalité complète des violences. En raison du "silence des sources" (archives absentes ou personnes préférant se taire), il est "hautement probable que beaucoup de situations" aient échappé au groupe de travail. Il n'est pas toujours possible d'affirmer que les faits se sont exactement produits comme ils ont été décrits:

Situation judiciaire

Sur le plan pénal, le groupe de travail n'a identifié aucun cas qui n'aurait pas déjà été jugé ou qui ne serait pas prescrit. Une affaire reste en cours, concernant un laïc relié à l'Abbaye (pas un chanoine).

À la connaissance du groupe de travail, cinq condamnations contre trois chanoines et un novice ont été prononcées depuis les années 1970. La plus grande partie des affaires a été classée pour insuffisances de charges ou en raison de la prescription.

Méthodologie de l'enquête

Suite à la révélation de cas de violences sexuelles en 2023, l'Abbaye de Saint-Maurice (sous administration apostolique du Vatican) a demandé au procureur général neuchâtelois Pierre Aubert de constituer un groupe de travail indépendant pour enquêter sur ces violences sur les 50 dernières années.

Le groupe, coordonné par le Département d'histoire contemporaine de l'Université de Fribourg (prof. Anne-Françoise Praz et Stéphanie Roulin), s'est étoffé en mai 2024 avec l'engagement de deux chercheuses à mi-temps: Lorraine Odier (docteure en sciences sociales) et Magali Delaloye (docteure en histoire), qui ont eu accès complet aux archives de l'Abbaye. Claire-Lise Mayor Aubert, juge retraitée neuchâteloise, s'est chargée des auditions des chanoines.

ATS / RadioFr.
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